Etats-Unis

Occupation du Capitol, la maison gouvernementale de l'Etat du Wisconsin

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Wisconsin: à la croisée des chemins

Rédaction

Le samedi 5 mars 2011 quelque 40'000 personnes ont participé à la mobilisation organisée contre la politique d’austérité et antisyndicale à Madison, capitale de l’Etat du Wisconsin.

Cette manifestation n’a pas atteint le chiffre de 100'000 – comme la semaine précédente – mais elle a été organisée dans un délai de trois jours.

Un premier bilan permet d’affirmer qu’après trois semaines de lutte (voir l’article publié sur ce site en date du 5 mars 2011) la volonté de faire face à la politique du gouverneur républicain Scott Walker s’exprime encore avec force.

Comme au cours des semaines précédentes, le soutien du secteur privé aux salarié·e·s du secteur public s’est confirmé. L’appui de la population n’a pas faibli, comme celui apporté par des personnalités. Le discours du cinéaste Michael Moore a stimulé les participants. Michael Moore a déclaré: «Vous avez réveillé un géant qui dormait, les travailleurs et les travailleuses des Etats-Unis d’Amérique. Votre message anime, maintenant, les travailleurs dans 50 Etats.»

Malgré la mobilisation, Scott Walker n’a pas hésité à présenter son plan d’austérité le 1er mars: un budget, sur deux ans, qui implique des coupes sombres dans les domaines de l’éducation et de la santé. De plus, il a répété que si les élus démocrates du Sénat – ils sont absents et ainsi ne permettent pas au Sénat de délibérer, car le quorum n’est pas atteint – font obstacle à l’adoption de la nouvelle loi, quelque 1500 licenciements seraient prononcés. L’échéance est fixée au 13 mars, date à laquelle les contrats collectifs passés seront déclarés nuls.

La politique de Walker ne jouit pas d’un soutien populaire, malgré les campagnes des médias. Ainsi, une enquête d’un organisme conservateur (Rasmussen) indique que six citoyens sur 10 de l’Etat du Wisconsin ne sont pas d’accord avec les choix du gouverneur et 5 sur 10 y sont fortement opposés.

La preuve de cette situation politique a été fournie par l’échec de la mobilisation des pro-Walker, le 6 mars. L’appui des frères Koch (milliardaires du secteur du pétrole, entre autres) – qui financent un organisme du nom Americans for Prosperity – n’a pas permis de réunir plus de 200 personnes ! La contre-manifestation des syndicalistes, ce dimanche 6 mars, comptait plus de 1000 personnes.

Dans ce contexte s’ouvre une phase politique de négociations. Walker a pris contact avec des élus démocrates qui sont dans l’Illinois (afin d’échapper à l’obligation de siéger au Sénat et de permettre ainsi que le quorum soit atteint). Les résultats sont, pour l’instant, nuls. Mais le dénouement va dépendre avant tout de la capacité de mobilisation syndicale ; et non pas des manœuvres des politiques.

Or, les enseignants ont repris le travail. Ils forment le «noyau dur» des «contestataires». Les appareils syndicaux, eux, tendent à accepter une sorte d’échange: faire des concessions au plan salarial (paiement pour l’assurance-maladie et le fonds de pension) contre le maintien de la reconnaissance du syndicat comme partie contractuelle. Or, une fraction très importante des salarié·e·s mobilisés veulent battre la loi de Scott Walker sur les deux terrains: les droits syndicaux et la question des salaires comme des coupes budgétaires. A cela s’ajoute l’opposition très active des étudiants contre la privatisation de l’Université du Wisconsin. L’opposition à l’orientation syndicale – «faire des concessions pour éviter le pire» – est donc forte. Mais elle doit trouver une voie qui permette de mettre en échec les choix des appareils syndicaux nationaux et la politique de Walker. Une tâche difficile.

Il est d’ailleurs significatif que la mobilisation du 5 mars 2011 ne s’est pas concentrée sur le palais gouvernemental: le Capitol. Des dirigeants des appareils nationaux ont refusé une mobilisation unitaire – entre autre avec le courant qui s’oppose frontalement à la politique d’austérité – craignant qu’une mobilisation unitaire permette à ceux qui défendent l’idée d’une grève générale de prendre la parole. Ainsi, le 5 mars, il y a eu deux manifestations. Et Michael Moore n’a pas pu parler à la manifestation contrôlée par les appareils syndicaux nationaux.

Des dirigeants syndicaux et des démocrates veulent canaliser le mouvement dans une campagne de signatures qui mette en question le résultat du vote qui permit à Scott Walker de devenir gouverneur. Une tactique qui prendra des mois et qui démobilisera le mouvement des salarié·e·s.

A l’opposé, le secteur le plus combatif met l’accent sur l’importance d’actions sur le lieu de travail, sur l’élargissement de la mobilisation. Cela est d’autant plus réaliste que des secteurs sociaux – qualifiés de «classes moyennes» – sont aujourd’hui directement frappés et sont prêts à l’action directe. Ce qui a été démontré dans la santé et le secteur de l’éducation.

Le débat sur une grève générale dans l’enseignement a commencé le 6 mars. Le 12 mars est une nouvelle échéance. David Poklinkoski, président de l’International Brotherhood of Electrical Workers (IBEW) affirmait, le 5 mars: «La droite patronale a sous-estimé la réaction des travailleurs et travailleuses du Wisconsin. Maintenant, nous devons élargir la mobilisation afin de riposter à leurs attaques.»

(7 mars 2011)

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