N°13/14 - 2003
Sommaire
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Irak
- La guerre d'occupation
(C.-A. Udry)

Palestine
- Feuille de route vers les bantoustans
(Tikva Honig-Parnass)

France Dossier mouvement social
Introduction au dossier
- Une étape de la guerre sociale
(Jean-Marie Vincent )
- La lutte des enseignants
(entretien avec Yves Bonin)
- Une mise en cause globale de la société
(Samuel Holder)
- Le débat sur le financement
(Michel Husson)
- Répartition et propriété
(François Chesnais, Claude Serfati)
- A propos de l'appropriation du capital
(Jean-Marie Vincent)

Suisse
- Avs: fausses évidences et tromperies
(J.-F. Marquis)
- Les sans-papiers, révélateurs de la société d'accueil
(D. Lopreno)

A lire
- Vivre au minimum. Enquête dans l’Europe de la précarité  
(Catherine Lévy)       
                                          


Afrique et compassion US

Le président des Etats-Unis, au cours de la deuxième semaine de juillet 2003, effectue un voyage en Afrique. Quelques semaines avant, à Genève, devant l'OMC, quatre pays africains -le Tchad, le Bénin, le Burkina et le Mali -ont déposé une plainte contre Washington. Sur quoi porte-t-elle ? Sur les subventions accordées par l'administration Bush aux producteurs américains de coton. Et ce pour un montant de 3,9 milliards de dollars pour la période 2001-2002, répartis sur 25 000 grandes plantations. Ce qui revient à une allocation moyenne de 150 000 dollars par unité et par année. Un exemple: une grande plantation de l'Arkansas, la US Tyler Farms, a reçu 6 millions de dollars d'aide en 2001. Cela équivaut au revenu annuel de plus de 20 000 paysans du Mali.

Selon le rapport présenté par les quatre pays africains -qui rejoignent une plainte similaire du Brésil déposée en septembre 2002, à l'époque du gouvernement de Fernando Enrique Cardoso -l'effet de ces subventions aux cotonniers américains est le suivant. Tout d'abord, elles assurent aux grands producteurs des Etats-Unis un prix 73 % plus élevé que celui pratiqué sur le marché mondial. Ce prix n'a cessé de baisser au cours des années 1990. Ensuite, ce type d'«incitation» -dénoncé systématiquement par les Etats-Unis et le FMI lorsqu'il s'agit des pays de la périphérie soumis à des plans d'ajustement structurel -stimule une surproduction cotonnière au Etats-Unis et appuie leurs exportations. Ce qui pousse à la baisse les prix du coton sur le marché international.

En conséquence le secteur du coton africain connaît une crise encore plus profonde. Celle-ci frappe quelque 10 millions de personnes dépendant de cette culture de rente en Afrique. Les exportations du Bénin sont dépendantes à hauteur de 70 % dépendantes du coton, ce qui montre l'impact que son prix peut avoir sur un tel pays. Les pertes en revenus d'exportations cotonnières s'élèvent, pour l'Afrique, à quelque 300 millions de dollars par année. Une somme fort importante pour ce continent délabré. Certes, on peut rapporter cette somme aux 3,9 milliards de dollars dépensés par mois -selon les dernières données du Pentagone -afin de financer l'occupation militaire de l'Irak.

Ces questions sont passées sous silence, à l'occasion de la visite de cinq jours -dans cinq pays africains -du président américain. Bush est présenté comme un missionnaire prenant la tête d'une campagne évangélique contre le SIDA. Mais là, de même, la réalité semble assez éloignée des discours et promesses.

Peu d'attention a été consacrée à la personnalité du coordinateur de la politique «d'aide globale pour combattre le SIDA» du président américain. Il s'agit de Randall Tobias. Il a pris son poste le 1er juillet 2003. Tobias était à la tête d'une des plus importantes firmes pharmaceutiques des Etats-Unis: Eli Lilly & Co. Cette firme figure aussi parmi les principaux donateurs du Parti Républicain. Un homme de confiance. Au point que l'économiste néo-libéral Jeffry Sachs, conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a qualifié cette nomination de «surréaliste». Paul Zeitz, le directeur de Global AIDS Alliance, souligne que cette décision présidentielle «pose de nombreuses questions portant sur les conflits d'intérêts [entre l'industrie pharmaceutique et une politique de santé publique relevant de l'urgence] et de priorités pour la Maison Blanche». Zeitz insiste sur les blocages systématiques effectués par les firmes pharmaceutiques américaines [et aussi helvétiques] pour freiner l'application de mesures donnant un accès gratuit et massif aux médicaments «antisida». Salih Broker, directeur de Africa Action, ONG basée à Washington, ne fait pas dans la diplomatie: «Cette nomination indique où se situe la politique de Washington concernant le SIDA ; elle est du côté des pharmas».

Peu de temps seront nécessaires pour clarifier trois questions. La première. Quand les grands de la pharmacie baisseront-ils leur prix, pour l'aide aux populations africaines décimées par le SIDA, au niveau de ceux pratiqués par des firmes privées opérant en Inde, en Thaïlande et au Brésil, soit 300 $ par personne et pas an pour une combinaison de trois anti-rétrovirus ? La seconde. Randall Tobias se fera-t-il l'avocat du droit des pays en situation de crise sanitaire extrême d'importer des médicaments génériques, sans subir de sanctions ? Pour l'heure, en rupture avec les accords minimalistes de Doha (réunion de l'OMC en novembre 2001), l'administration républicaine concentre ses efforts sur des accords bilatéraux. La troisième. Alors que les crédits pour le Fonds Global afin de combattre le SIDA, la malaria, la tuberculose -dont on fit grand bruit lors du G8 d'Evian -devaient s'élever à 1 milliard par an, resteront-ils réduits à 200 millions, comme l'a décidé l'administration ?

De l'Irak à l'Afrique, la politique de Bush illustre la diversité de ses armes de destruction massive. -réd.

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