Mesures d'accompagnement au rabais pour la libre circulation des personnes
 
 


"Libre circulation OUI,
dumping social et salarial NON"

JEAN-PIERRE BOILLAT
Président du Conseil communal de Vevey *

La Déclaration universelle des droits de l’homme fixe des droits fondamentaux, parmi lesquels la libre circulation (art. 13) et des droits sociaux et syndicaux (art. 22 à 26). Les autorités nous proposent une «libre circulation» affranchie de ces droits et limitée à l’UE des Vingt-Cinq. L’officialité — fédérale, patronale et syndicale — reconnaît le risque de «dumping salarial» et propose des «mesures d’accompagnement». Nous les refusons, car inefficaces, et voulons une libre circulation adossée à des droits ayant force de loi.

Les cas de dumping se multiplient. Manpower et Adecco organisent la «libre circulation» et «vendent» des salarié-e-s allemands ou polonais à 15 fr./h au lieu de 25 fr. Dans la construction, depuis le 1er juin 2004, ont été présentés 3200 contrats de travailleurs détachés (loués par une firme de l’UE à une entreprise suisse). Sur 250 annonces vérifiées (7%!), plus de 40% violaient des dispositions légales.

Les salarié-e-s sont peu armés pour y résister. Les syndicats sont souvent absents («déserts syndicaux» selon l’USS). Les lois ne protègent pas l’activité syndicale, au point que l’Organisation internationale du travail (OIT) condamne la Suisse pour cela. Restent les conventions collectives (CCT). C’est le pilier des mesures d’accompagnement: elles devraient, «en cas d’abus répétés», prendre «force obligatoire» (avoir force de loi) et des inspecteurs devraient en contrôler l’application. Or «la moitié des travailleurs ne sont protégés par aucune convention collective» (P.-Y. Maillard, 24 heures, 2-3.10.2004) et seuls «18% des salarié-e-s [sont] soumis à une convention avec des salaires minimums» (A. Ferrari, Unia, l’Evénement syndical, 12.1.2005). Et ces quelques «bonnes» conventions (plâtriers-peintres, menuisiers, construction, imprimerie…), le patronat fait le forcing pour les démanteler! Le pilier est vermoulu, et on comprend bien pourquoi Peter Hasler, secrétaire de l’Union patronale, écrit que ces mesures ne coûteront rien au patronat (édito d’Employeur suisse, 23.12.2004).

Le dumping salarial alimente déjà une sourde colère parmi les salarié-e-s, suisses ou immigrés. Les sommets d’Unia doivent en tenir compte et «menacent» de ne «pas soutenir l’extension de la libre circulation» (actions du 1.2.2005). En contradiction avec l’accord passé avec le patronat pour le OUI et avec leurs dénonciations du référendum. De quoi créer confusion et désarroi et nourrir les sombres desseins xénophobes de l’UDC.

Nous proposons des mesures d’accompagnement qui étaient, en partie, présentées lors du Congrès de l’Union syndicale suisse de 2002: 1° dans les branches sans CCT, un contrat type de travail fixant salaires minimaux et temps de travail; 2° instauration de la «force obligatoire» d’une CCT sur seule demande des salarié-e-s; 3° une protection sérieuse contre le licenciement — sans quoi qui osera informer sur les «abus répétés»? 4° une information transparente, automatique, sur le contenu des contrats. Ces mesures protégeront tou-te-s ceux et celles qui travaillent et viendront travailler en Suisse. Elles faciliteront l’action solidaire, meilleur contrepoison à la xénophobie.

Un NON aux mesures d’accompagnement n’enterrera pas la libre circulation: après un refus, les autorités devront présenter une nouvelle copie, sous peine de voir l’édifice des relations bilatérales avec l’UE se fissurer. Ce sera l’occasion pour toutes les forces syndicales et de gauche d’imposer, avec détermination, une libre circulation adossée à de véritables droits sociaux et syndicaux. Une raison de plus de signer le référendum.

Plus d’informations sur www.labreche.ch

* Travailleur social au Centre de contact Suisses-immigrés à Genève, membre du Mouvement pour le socialisme (MPS).

Article paru dans 24 heures du samedi 19 février 2005, rubrique "L'invité".